C’est en 1880 que les deux frères d Émile Tournier de Morez s’installent au lieu-dit maintenant "Les Lunettes", ancien moulin à farine. Ils se marient avec les deux sœurs Mermet de Saint- Lupicin.
Victor et Gustave sont très instruits, parlent plusieurs langues, dont le russe et sont de grands voyageurs. Durant un voyage aux Etats-Unis, ils découvrent les premiers barrages hydrauliques qu’ils construiront à Cuttura en 1904 et à Ravilloles en 1909. Ils ramènent également de leur voyage la première presse à injection plastique de l’époque et, vers 1889, ils proposent aux usiniers Joz et Gaillard de construire le barrage. L’usine se voit attribuer, avant tout le monde, deux moteurs électriques de 3cv , avec un transformateur imposant installé dans l'angle de l'usine, côté sud-ouest.
Les premiers plans du barrage et sa demande de construction datent de 1903. Ils seront revus et acceptés en avril 1904.
Les premiers travaux commencent en 1903 par le déboisement et la mise à nue de la roche sur les deux rives.
La construction est réalisée en plusieurs étapes, toutes les pierres sont extraites à 250 mètres de l’usine, côté droit de la route menant à Saint-Lupicin.
Cette carrière est visible encore à ce jour.
Les pierres de 30x30 cm sont taillées sur place, le sable, pris sur place au fond du barrage rive gauche, de très bonne qualité, est mélangé avec du ciment de TEIL venu par train à la gare de Lizon depuis l’Ardèche. Le dosage est de 400 kilos par mètre cube de sable.
Les poutrelles acier et les conduites viennent du Creusot, elles aussi par train, jusqu’à la gare de Lizon et, sans doute, reprises par le tacot jusqu' à Saint-Lupicin.
Deux crics de vanne sont posés : un de 6 tonnes pour la vanne de fond, de la marque Graffenstaden Bas Rhin et l’autre des Ets Guidel devenus Feugier à Sault Brenaz dans l’Ain. Cette entreprise existe toujours et reste le leader du cric français.
La conduite forcée en acier de 400 cm de diamètre sur une longueur de 800m environ sera mise sans doute après la construction du barrage mais sa provenance reste inconnue. La construction s’étalera durant plus d’un an, interrompue par les crues et l' hiver.
Les travaux de terrassement furent importants pour arriver à la Berrière, où sera construite la centrale. Elle sera pourvue depuis le barrage d'une hauteur de chute de 75 m avec une puissance de 100kw.
Grâce à cette turbine, les frères Tournier alimentent les six communes avoisinantes.
Éclairés essentiellement par des lampes facturées à l’unité, de nombreux petits ateliers de tournage bénéficieront de cette nouvelle puissance abandonnant ainsi la lampe à huile et les bougies.
À partir de 19 heures, l’alimentation était réduite pour l’éclairage public.